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Image : Antoine Escuras / Journaliste : Apolline Tarbé
Depuis 2008, en France, tous les élèves sont tenus de passer le « Permis Cycliste » à la fin de l’école primaire. Réalisée avec le soutien de l’Éducation Nationale, l’attestation repose sur quelques séances de sensibilisation et un examen théorique. Alors que plus d’un million d’enfants ont déjà été formés aux règles de la conduite, la pratique du vélo chez les enfants est encore loin d’être généralisée. C’est forte de ce constat que l’Usep accompagne des centaines d’écoles vers le « savoir rouler » pour permettre aux jeunes rentrant en 6ème de maîtriser la pratique autonome du vélo, en toute sécurité. Reportage à l’école de la Vallée (Saint-Brieuc).
Lundi 12 février, 9h. Derrière la cour de l’école de la Vallée (Saint-Brieuc), les élèves de CM1 et CM2 regroupés écoutent les consignes énoncées par l’équipe de l’Usep des Côtes d’Armor. Derrière eux, de dizaines de vélos sont adossés au mur, prêts à être enfourchés. Au programme pour les deux jours à venir : la validation du cycle « savoir rouler à vélo », en vue du petit tour Usep prévu en juin.
Un parcours en trois étapes
Avant toute chose, équiper l’ensemble de la classe. « Moi, je veux une taille S comme serpentard ! » crie l’un des élèves en se précipitant vers le sac débordant de casques. Les jugulaires sont attachées sous le menton et les lanières resserrées.
Chacun récupère ensuite un vélo : les élèves qui en possèdent un sont venus avec ; et l’Usep met sa flotte à disposition pour les autres. Face au groupe, Loïck prend le temps d’expliquer les bases : vocabulaire, vérifications à effectuer sur les vélos, règles de sécurité, consignes des premiers exercices. La matinée commence tranquillement.
Constitué de trois blocs de compétences, le programme « Savoir Rouler à Vélo » se déroule sur deux journées d’intervention à l’école et une sortie à vélo en fin d’année, appelée « petit tour Usep ». La première journée, intitulée « Savoir pédaler », concerne la maniabilité du vélo. « Il faut qu’ils sachent l’utiliser correctement », explique Loïck. Les élèves font leurs preuves en roulant plus ou moins vite autour du parcours, en levant une main du guidon, en slalomant… Ce n’est que le lendemain qu’ils apprendront à circuler, grâce à une piste d’éducation routière qui restitue les conditions de circulation en milieu urbain. « On a tout ce qu’on va retrouver sur la route », précise Loïck « : un rond-point, des panneaux… »
L’attestation « Savoir Rouler à Vélo » ne sera délivrée qu’après la validation du troisième bloc de compétences, obtenue lors du petit tour Usep : une balade de 25 kilomètres, à plusieurs classes, en situation réelle. « L’idée, c’est aussi d’avoir une rencontre », ajoute Arnaud, délégué Usep des Côtes d’Armor. « Donc on fait partir une classe d’ici, une autre à l’opposé de Saint Brieuc, on se retrouve pour le pique nique, puis chacun retourne dans sa classe ». Un moment joyeux qui permet aux animateurs de vérifier que chacun sait rouler en autonomie sur la voie publique, sans mettre quiconque en danger.
Accompagner les enseignants
« Beaucoup d’enseignants et enseignantes sont un peu tétanisés à l’idée d’organiser des séances de vélo », constate Arnaud. Et pour cause : il leur faut encadrer une vingtaine d’enfants aux niveaux hétérogènes, sans parler de la gestion du matériel. « Ça demande trop de logistique », poursuit Arnaud. « Un enseignant qui faisait une sortie tous les ans a dû arrêter, parce qu’il a récupéré les vélos dans un état lamentable, et il n’est pas mécano ! »
« Beaucoup d’enseignants sont tétanisés à l’idée d’organiser des séances de vélo »
Pour les écoles désireuses de mener les élèves vers l’autonomie à vélo, l’accompagnement de l’Usep est très précieux. Il permet d’une part d’assurer l’équipement de tous les enfants ; une donnée de moins en moins évidente d’après Arnaud : « la semaine dernière, dans une classe, il n’y avait que 10 vélos sur 26 élèves ». Un déclin qu’il attribue à la baisse du pouvoir d’achat des ménages et au changement d’usages « aujourd’hui, on s’oriente vers d’autres pratiques comme la trottinette électrique ».
Par ailleurs, la présence des animateurs de l’Usep permet aux adultes présents de mieux accompagner les élèves qui ne sont jamais montés sur un vélo - une situation qui concerne au moins un élève par classe d’après l’expérience d’Arnaud et son équipe. Aujourd’hui, c’est la mission de Louane, volontaire en service civique à l’Usep 22 : « on prend à part les enfants qui ne savent pas faire du vélo pour qu’ils puissent apprendre. Même s’ils n’arrivent pas à rejoindre les autres ou à valider le bloc 2, on fait en sorte de leur donner confiance en eux ». Le travail amorcé peut ensuite être continué plus sereinement par l’enseignant, en classe d’EPS.
Toute la matinée, Louane apporte son aide à Nour, huit ans, qui découvre le vélo. « J’en avais fait un tout petit peu quand j’étais petite mais j’ai arrêté parce que j’ai eu trop peur », raconte-t-elle. « Après, j’ai continué à faire de la trottinette ». Au bout de quelques heures, elle est capable de faire de longues allées et venues et de tourner entre les plots de circulation. Elle conclut radieuse : « Je suis fière de moi. Ma maman doit être fière de moi aussi, je vais lui raconter ce soir ». Un peu plus tard, dans les couloirs de son école, elle confiera à son instituteur qu’elle compte demander un vélo pour son anniversaire.
Le vélo comme vecteur
À travers le cycle « Savoir Rouler à Vélo », c’est un ensemble de valeurs que l’Usep véhicule auprès des élèves, comme le note très justement le directeur de l’école de la Vallée Baptiste Chapelain-Pierre : « ce genre de journée permet d’apprendre à respecter l’autre, trouver sa place dans le groupe, respecter le cadre et les règles ».
En sensibilisant à l’usage du vélo, les animateurs abordent en filigrane un certain nombre de sujets de société. L’objectif : amener une réflexion autour des habitudes individuelles et de leurs conséquences. Ainsi, Corentin, en présentant les différentes pièces du vélo en classe, rappelle aux enfants qu’ils peuvent penser à la réparation plutôt qu’au remplacement des pièces défectueuses, et à l’achat d’occasion si besoin d’un nouveau vélo. Sans même s’en rendre compte, les enfants viennent de glisser sur le terrain de l’écologie.
Mobilité douce par excellence, le vélo représente un excellent support pour aborder les sujets environnementaux. Le dernier module de l’intervention porte sur l’éco-citoyenneté et permet de comparer l’empreinte environnementale des différents modes de déplacement. « Le vélo devient un prétexte pour questionner les comportements », résume Érick, directeur général de la fédération 22 de la Ligue de l’enseignement. « En parlant aux enfants de leur mobilité, on les amène à se demander quel est leur impact sur le monde lorsqu’ils se déplacent. C’est un outil pour les aider à se questionner sur leur façon d’agir et d’être en société ». Une réflexion qu’il espère voir se prolonger autour d’autres sujets : l’alimentation, la consommation, l’énergie, le voyage… Tout un programme pour « apprendre à vivre dans le monde ».
Pour ce qui est d’apprendre à rouler en vélo, en tout cas, la journée se passe à merveille. Encore quelques heures de pratique et la totalité des élèves devrait être capable de se rendre au collège à vélo, pour leur prochaine rentrée. Comme sur des roulettes !
Image : Antoine Escuras / Journaliste : Apolline Tarbé