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Image : Antoine Escuras / Journaliste : Grégoire Osoha
Depuis 2021, la fédération creusoise de la Ligue de l’enseignement anime des ateliers de robotique pour les enfants du département. En ligne de mire, le concours Robocup où l’éducation à la science et à la coopération importe plus que le classement.
À quelques pas de la célèbre Cité internationale de la tapisserie d’Aubusson, de drôles de petits robots font des tours sur eux-mêmes dans une salle mansardée. Leur nom : des Maqueen Plus. D’environ dix centimètres de long et munis de deux roues chacun, ils sont manipulés par un groupe de huit jeunes creusois, fans de robotique. L’atelier hebdomadaire du mercredi après-midi auquel ils participent est animé par un trinôme : Nicolas Damien, médiateur Science et technique de la Ligue de l’enseignement Creuse, Pascal et Bruno, tous deux bénévoles et jeunes retraités de l’industrie.
Un tiers-lieu avant les autres
Tout a commencé il y a trois ans lorsque la Ligue de l’enseignement Nouvelle-Aquitaine a décidé de se lancer dans l’organisation de la Robocup, une compétition internationale de fabrication et de maniement de robots. L’équipe creusoise de la Ligue de l’enseignement répond présent. Elle se met en quête d’une association partenaire sur son territoire. Ce sera La clé de contact, un Centre social et socio-culturel implanté depuis plus de vingt ans à Aubusson. Sa directrice, Isabelle Rapinad, explique pourquoi : « Nous étions un tiers-lieu bien avant la mode des tiers-lieux ! Nous avons toujours favorisé les initiatives citoyennes émergentes. Nous avons, par exemple, hébergé un FabLab en 2013, ainsi qu’un club de retrogaming qui a fini par réussir à voler de ses propres ailes » pose-t-elle en préambule. Avant de continuer : « Quand la Ligue de l’enseignement nous a proposé l’animation d’un atelier robotique, on s’est immédiatement dit que, parmi tous les enfants de 7 à 17 ans avec qui nous sommes en contact, il y aurait forcément des intéressés. »
C’est donc tout naturellement que la Clé de contact met une salle à disposition dans ses locaux de l’ancienne tapisserie Braquenié et Cie, où se trouvent encore d’anciens métiers à tisser. La première année, ils sont trois à découvrir l’activité. Deux ans plus tard, ils sont quatre fois plus, répartis en deux créneaux pour seulement quarante euros par an.
« J’ai peur de faire exploser la machine » souffle Augustin au moment d’actionner son robot Maqueen. « Il n’y a aucun risque » le rassure Bruno. « J’ai fait le gros de ma carrière dans des bureaux d’étude. Manager des équipes, je connais. Mais heureusement que j’ai aussi fait de l’animation dans ma jeunesse, ça m’aide à adapter mon discours pour les enfants. » Au programme d’aujourd’hui : apprendre à programmer les robots Maqueen pour les faire tourner en rond donc, mais aussi avancer, reculer et s’arrêter. Pour cela, les enfants, réunis en binômes, codent sur un logiciel des micro-bit équipés d’une boussole, d’un accéléromètre, d’un micro, d’un haut-parleur et d’une radio. Bruno leur transmet quelques rudiments d’anglais (left pour gauche, rotate pour tourner) pour qu’ils puissent faire coïncider la pression d’un bouton sur une commande à un ordre appliqué par les robots.
Chaque duo avance à son rythme. Quand ça ne marche pas, on part à la recherche d’une erreur ou d’un oubli dans les lignes de code, et on recommence. Ben, le plus âgé de l’équipe, prend le temps d’expliquer à Nolan, tout juste huit ans, comment ajuster la vitesse de l’appareil. Pascal, qui a rejoint le projet en tant qu’animateur il y a quelques semaines, est surpris que des jeunes enfants s’intéressent à l’informatique et à la technologie.
Cette appétence et cette curiosité, cela fait longtemps que Nicolas Damien les observe. Quand il a démarré l’atelier à Aubusson, il ne connaissait pourtant rien à la robotique, à part quelques lointains souvenirs de jouets Meccano. « J’ai suivi deux jours de formation avec Bruno, et puis on a appris le reste en autodidactes. » Mais au-delà de l’aspect technique, ce qui l’intéresse avant tout, c’est de suivre l’évolution des enfants tout au long de l’année. « C’est une activité qui leur donne confiance en eux. J’essaie de les encourager le plus possible, de leur faire prendre conscience que ce qu’ils font n’est pas banal. » Soit une forte dimension d’éducation populaire.
Technicité, créativité et communication
De septembre à décembre, les enfants apprennent les bases du fonctionnement de la robotique. A partir de janvier, ils passent à la fabrication de leur propre modèle. Toutes les sensibilités peuvent ainsi s’exprimer. Ils découvrent alors que le passage de la théorie à la pratique amène son lot de péripéties. Il faut brocher, dénuder des fils, souder, etc. Et prime au matériel de récupération, dont l’utilisation est fortement encouragée par les organisateurs de la Robocup. Pour Nicolas Damien, cette compétition, à laquelle ils participent au printemps, n’est pas une finalité en soi, mais elle permet de donner un cadre, une finalité. « Il s’agit de s’efforcer d’obtenir le meilleur résultat possible. Gagner est une cerise sur le gâteau. » Au cours du projet, les participants développent des compétences en communication. Comment formuler une demande ? Comment être sûr d’avoir été bien compris ? Certains se révèlent totalement dans l’exercice, passant d’une timidité extrême à un épanouissement dans le collectif.
La vitesse à laquelle les enfants intègrent des notions scientifiques abstraites est tout simplement bluffante.
L’an dernier, grâce à leur projet de robots tisserands autour du thème des Pokemon, le groupe d’Aubusson a glané la troisième place nationale. Marius se rappelle qu’il était le benjamin de l’épreuve. A tel point que le tee-shirt qu’on lui a offert, lui arrivait aux genoux. De retour dans la Creuse, il a convaincu son copain Martin de s’inscrire à son tour. Bruno garde lui aussi de très bons souvenirs du concours. « J’ai été frappé par l’enthousiasme de tous ces enfants. Bien sûr, ils ont tendance à papillonner, mais c’est normal. Et la vitesse à laquelle ils intègrent des notions scientifiques abstraites est tout simplement bluffante. » De sa voix claire et déliée, Nicolas annonce la fin de la séance. Au programme de mercredi prochain : apprendre aux robots Maqueen à faire coucou.
Image : Antoine Escuras / Journaliste : Grégoire Osoha