Nouvelle-Aquitaine

Mille couleurs contre les violences faites aux femmes sur Internet

Mille couleurs contre les violences faites aux femmes sur Internet

Contenu proposé par :

Image : Antoine Escuras / Journaliste : Grégoire Osoha

Publié le 9 décembre 2024 à 8h00 - Durée : 6 mn

À Guéret, dans la Creuse, un Espace de Vie Sociale d’un quartier prioritaire de la politique de la ville s’engage contre les violences faites aux femmes sous toutes leurs formes.

En ce début d’après-midi grisonnant de la fin du mois de novembre à Guéret, Merwann Abboud prépare la salle qui s’apprête à accueillir son atelier « Les violences faites aux femmes sur les réseaux sociaux ». Deux grandes tables rondes toutes blanches, une dizaine de chaises, quelques mugs pour celles et ceux qui voudront un café et des tranches de quatre-quarts empilées sur deux assiettes. L’intérieur chaleureux des locaux de l’Espace de Vie Sociale Les Mille Couleurs tranche avec le ciel plombé qui embrasse les rues de la préfecture creusoise. Aux murs, des rubans colorés, des dessins d’enfants et une exposition de photos sur la démolition, en mai 2023, de la tour voisine numéro 12 en raison de sa vétusté. Avec ses dizaines de riverains relogés, l’événement a marqué ce quartier considéré comme prioritaire de la politique de la ville.

Une semaine contre les violences faites aux femme

Merwann n’a plus qu’à allumer le vidéoprojecteur et son ordinateur. Le voilà fin prêt pour animer son atelier, en plein milieu de la semaine dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes. Aux origines de ce projet, on trouve Lorraine Couture, déléguée départementale aux droits des femmes. Il y a quelques mois, elle a sollicité l’espace Les Mille Couleurs pour qu’y soit organisée une série d’actions de sensibilisation pendant ce temps fort. Hélène Devillechabrolle, coordinatrice des Mille Couleurs, s’y est tout de suite montrée favorable. « C’est important d’aborder la violence faite aux femmes dans tous les quartiers. La spécificité du nôtre, c’est sa mixité culturelle et générationnelle. L’enjeu premier pour nous, c’est d’accueillir toutes les paroles telles qu’elles se présentent, sans les juger, pour ensuite se mettre ensemble en réflexion. » Hélène s’engage sur l’accueil de trois projets : une réunion « Droits des femmes et prévention des violences », une animation « Porteur de paroles et Violentomètre » et donc l'atelier « Les violences faites aux femmes sur les réseaux sociaux » par Merwann.

L’enjeu premier pour nous, c’est d’accueillir toutes les paroles telles qu’elles se présentent, sans les juger, pour ensuite se mettre ensemble en réflexion. 

Spécialiste de l’éducation aux médias et à l’esprit critique depuis plusieurs années, cet ancien journaliste basé à Nantes est venu s’installer dans la Creuse il y a un an et demi. À travers l’association « 23 mondes à l’envers », il est déjà intervenu au cours de deux « cafés des parents » à Guéret sur les thématiques des écrans et des réseaux sociaux. Il a préparé son intervention du jour avec Hélène dans le souci de s’adresser au plus grand nombre. Et ça tombe bien. Car le public qui arrive au fur et à mesure est varié. Il y a des hommes et des femmes, des jeunes et des retraités.

Merwann et Hélène en pleine discussion avant l'atelier

Indignation, empathie, impuissance et protection

L’animation commence par un exercice qui consiste à choisir une étiquette sur laquelle est écrit un mot en lien avec le sujet de l’atelier. Sabrina part sur « l’indignation » devant les assignations faites aux femmes de rester à la maison. Yaël prend la suite avec « empathie », un mot à double tranchant. Car si elle est indéniablement une qualité louable, l’empathie peut parfois se transformer en talon d’Achille face aux personnes malintentionnées. Frédéric insiste, lui, sur le manque de « protection », quand Lucas parle « d’impuissance » contre les raz-de-marée haineux et Waly, un jeune Afghan, choisit le mot « tristesse ». Quand vient son tour, Anfifa, originaire des Comores, fond en larmes. Un de ses enfants est victime de cyberharcèlement. Elle est réconfortée, comme ils peuvent, par les autres participants.

Merwann reprend la parole pour faire le tri entre les différents types de violences rencontrées sur Internet : slutshaming, doxxing, revenge porn, silencing. Elles ont toutes pour points communs l’autocensure des femmes sur les réseaux et des dommages psychologiques graves. Merwann étaye sa présentation de cas de harcèlement devenus tristement célèbres : Nadia Daam, Alice Coffin, Léna Situations, Marlène Schiappa, Sandrine Rousseau, Fatoumata Kebe.

Merwann Abboud s'adressant aux participants de l'atelier

C’est à ces mots qu’arrive Evelyne, 92 ans, à l’aide de son déambulateur. Impossible pour elle de partir de chez elle avant la fin de Plus belle la vie. Pour s’excuser de son retard, elle offre des chouquettes à tout le monde. Merwann poursuit son intervention et un débat s’engage avec Lucas. « Quand même, je trouve que certaines femmes sont provocantes sur les réseaux. Et c’est dommage, parce que ça les dévalorise, non ? » « J’entends ton point de vue, lui répond l’animateur. Mais dirais-tu la même chose d’internautes masculins ? » La question fait réfléchir l’assemblée.

Déjà 16 heures, il est temps de conclure. Merwann évoque les bons réflexes à adopter en cas de violence : faire des captures d’écran, porter plainte ou déposer une main courante, se rendre sur la plateforme Pharos. Anfifa lui demande des conseils pour installer le contrôle parental sur les appareils connectés de ses enfants. Hélène se fait la promesse à haute voix de coller une affiche du numéro 3018 pour les victimes de cyberharcèlement dans les locaux, aux côtés de celle sur le 3919, le numéro pour les femmes victimes de violences. La coordinatrice des Mille Couleurs ressort globalement satisfaite du déroulement de l’atelier. « Bien sûr, on aimerait toujours qu’il y ait plus de monde. Mais une dizaine de personnes, ce n’est déjà pas si mal. Et puis surtout, il y avait des hommes. Et ça, c’est un très bon signe. »

Les participants de l'atelier

Une création d'In:Expeditions
6 mn
 Écouter

Image : Antoine Escuras / Journaliste : Grégoire Osoha

Publié le 9 décembre 2024 à 8h00 - Durée : 6 mn

Remerciements spéciaux à Hélène et Merwann pour leur accueil très sympathique lors de cet atelier.