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Image : Julien Borel / Journaliste : Apolline Tarbé
Au fil des années, la fédération 72 de la Ligue de l’enseignement a tissé des liens avec de nombreux établissements scolaires de la Sarthe. Plusieurs écoles, collèges et lycées se sont ainsi affiliés à la Ligue afin d’approfondir la relation de partenariat. Le collège Léon Tolstoï a même intégré la Ligue de l’enseignement à son Conseil d’Administration (CA). Entretien “sans filtre” avec Antoine Coué, principal du collège, Nicolas Loison, CPE, et Benjamin Dagard, chargé de mission éducatives à la Ligue 72.
Bonjour Antoine, et merci de nous recevoir au collège Léon Tolstoï. Pouvez-vous nous raconter pourquoi vous avez proposé à la Ligue de l’enseignement d’entrer au conseil d’administration de votre établissement ?
Antoine Coué : À l’Éducation Nationale, on se définit souvent comme étant au centre de l’éducation des enfants. Or pour moi, ceux qui sont au centre sont les parents. Autour de cette éducation familiale, beaucoup d’acteurs interviennent. Il y a évidemment l’Éducation Nationale ; mais les associations d’éducation populaire comme la Ligue de l’enseignement, les centres aérés, les colonies de vacances, les écoles artistiques, les clubs sportifs… sont autant de lieux d’éducation des enfants. On vient tous en complémentarité les uns par rapport aux autres.
En arrivant dans ce collège, en 2017, j’ai donc tout de suite instauré un temps de travail sur les partenariats autour de l’école. Suite à cette réflexion, des partenariats éducatifs et pédagogiques se sont montés sur le volet culturel, citoyen, le travail d’orientation… Et l’un des plus solides a été celui avec la Ligue. On a développé de plus en plus d’actions ensemble, jusqu’à leur proposer d’intégrer notre CA cette année. Je suis très content que la Ligue ait accepté ce siège.
Concrètement, qu’est-ce que ça représente pour la Ligue de siéger au conseil d’administration d’un établissement scolaire ?
Antoine Coué : Dans les conseils d’administration des collèges et des lycées, il y a des membres de droit, des membres élus, et deux personnalités qualifiées qui viennent du monde professionnel, associatif ou culturel. Siéger au CA, ça veut dire participer activement au fonctionnement de l’établissement scolaire. C’est là que sont votées toutes les décisions qui régissent la vie financière, pédagogique et éducative du collège. Par exemple, lors du dernier CA, nous avons voté le budget de l’année 2023. C’est aussi là qu’on prend les décisions qui portent sur les sorties scolaires, les voyages, la gestion des ressources humaines, la mise en place d’options, le projet d’établissement…
Étant donné l’apport de notre partenariat avec la Ligue sur la vie culturelle et citoyenne du collège, ça paraissait naturel que l’association siège à notre CA.
Benjamin Dagard : Pour la Ligue de l’enseignement 72, c’est un honneur de participer au conseil d’administration du collège. C’est moi qui ai la chance d’y siéger, mais je rends compte de ce qu’il s’y passe à toute mon équipe. L’intérêt, pour nous, c’est de faire vivre l’éducation populaire en l’incarnant dans l’établissement, et en s’en faisant le relais au sein du CA.
Quelles actions avez-vous mises en place ensemble pour le collège ces dernières années ?
Antoine Coué : La Ligue nous a accompagnés sur la mise en place du dispositif Devoirs Faits, qui permet aux élèves de rester au collège, après les cours, pour faire leurs devoirs. Dans ce cadre, la Ligue a animé des formations pour les bénévoles, les professeurs, les assistants d’éducation qui encadrent ces permanences.
Cette année, nous mettons en place avec la Ligue la mesure de responsabilisation. C’est un dispositif qui fait partie de la hiérarchie des sanctions dans les établissements scolaires. L’idée, c’est de remplacer la punition ou l’exclusion de l’élève par un temps passé au sein d’une association. C’est tout un travail éducatif.
Nicolas Loison : Pour ces deux dispositifs, bénéficier de la vision de l’éducation populaire de la Ligue a été très utile.
Lors de la formation dispensée pour les encadrants de Devoirs Faits, la Ligue nous a posé des questions basiques sur l’organisation de l’établissement, qui nous ont amenés à tout repenser. Sans eux, on aurait créé un dispositif de soutien scolaire, d’étude dirigée, ce qui n’est pas le but de Devoirs Faits. Or Ligue nous a poussés à réfléchir à un fonctionnement ciblé autour de l’élève. Quels sont les besoins des élèves ? Comment organiser ce temps différemment d’un temps scolaire ? On a besoin de structures extérieures qui interviennent avec un œil, des outils et des discours moins scolaires et formatés que ceux de l’Éducation Nationale.
Antoine Coué : La présence de la Ligue nous apporte souvent cet autre point de vue, à l’équipe pédagogique comme aux élèves. Le thème de la laïcité est un bon exemple. Depuis quelques années, le Ministère de l’Éducation Nationale en a fait un sujet extrêmement important. On a des outils à disposition, les enseignants mettent en place des activités en classe chaque année le 9 décembre… On aurait pu s’arrêter là ; mais on a fait appel à la Ligue pour connaître d’autres manières de travailler sur la laïcité avec nos jeunes. Par exemple, notre documentaliste a participé à des formations de la Ligue. Depuis, nous avons des jeux de société sur la laïcité au CDI. Tous les ans, nous les sollicitons pour passer la journée de la laïcité au sein du collège.
Benjamin Dagard : Cette année, nous avions installé un mur de paroles dans la cour, avec trois questions : Vous êtes-vous déjà senti étranger ? La fraternité, ça passe par…? Être vieux, c’est…? Les élèves pouvaient tous contribuer au mur en inscrivant leurs réflexions. Certains regardaient les questions de loin et y pensaient de leur côté - c’est une première étape. D’autres se rapprochaient pour discuter avec nous, et on les amenait à parler de laïcité.
Ces différentes actions et la présence de la Ligue au conseil d’administration du collège insufflent-elles une dynamique sur le reste de la vie de l’établissement ?
Antoine Coué : Notre partenariat avec la Ligue est un vrai échange. On ne les sollicite pas pour commander des actions. On réfléchit à plusieurs pour voir quel chemin ou quels chemins prendre. Toutes les interventions de la Ligue influencent notre manière de travailler avec les élèves et les familles. Même si elle n’intervenait plus du tout au collège, on verrait les traces de son travail au collège pendant des années.
Par exemple, dans l’esprit d’éducation populaire porté par la Ligue, on souhaite que les élèves prennent de plus en plus la main sur leur vie au collège. La dynamique avait déjà commencé : depuis vingt ans, il existe dans l’établissement un système de médiation par les pairs pour que des élèves en conflit puissent solliciter d’autres élèves, formés en tant que médiateurs, pour analyser leur dispute et comprendre le point de vue de l’autre. Les petits conflits de l’établissement sont donc pris en charge par les élèves eux-mêmes, dans la salle de médiation qui est ouverte 24h/24.
Notre partenariat avec la Ligue nous encourage à poursuivre cette responsabilisation des élèves. Depuis quatre ans, une Junior Association (JA) existe dans le collège pour que les jeunes prennent des décisions pour le collège, sans avoir besoin de la validation d’un adulte. Cette association est affiliée au réseau national des JA, et supervisée par un membre de la Ligue de l’enseignement. Les jeunes ont déjà récupéré un babyfoot et fabriqué un billard pour le lieu de vie du collège. Cette année, ils organisent un voyage d’une semaine à Biarritz autour du développement durable. La Ligue les accompagne sur l’organisation du transport et de l’hébergement.
Nicolas Loison : Je crois que la Ligue a aussi développé chez nous l’envie d’aller chercher des partenaires pour le collège. Notre partenariat est très riche. On a un dialogue très simple. Les gens de la Ligue sont hyper réactifs, souples, volontaires pour entrer dans le fonctionnement du collège. Ils connaissent très bien leurs outils, ils ont saisi quel établissement on était et ont su s’adapter à notre public. Bref, ils connaissent leur boulot et ils savent où ils vont. De voir que c’était aussi facile, ça m’a apporté de la sérénité : on peut aller chercher des partenaires fiables extérieurs. Ça m’a poussé à développer un réseau autour du collège.
Benjamin Dagard : Finalement, la question, c’est quand est-ce qu’on aura l’occasion d’accueillir un membre du collège Léon Tolstoï au sein du CA de la Ligue de l’enseignement de la Sarthe !
Image : Julien Borel / Journaliste : Apolline Tarbé