Hauts-de-France

Oise : un Prix jeunesse de la Presse pour donner goût au journalisme

Oise : un Prix jeunesse de la Presse pour donner goût au journalisme

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Image : Julien Borel / Journaliste : Apolline Tarbé

Publié le 26 avril 2023 à 16h10 - Durée : 9mn

Vendredi 31 mars. Dans le château de Nogent-sur-Oise, neuf classes de collégiens et lycéens du département se retrouvent à l’occasion de la cérémonie de remise du Prix jeunesse de la Presse. Pendant quelques heures, des représentants de tous les établissements montent sur scène pour interviewer la journaliste lauréate, puis la porte-parole de Reporters Sans Frontières (RSF). Cet événement clôt la cinquième édition d’un parcours d’éducation aux médias porté chaque année par la fédération 60 de la Ligue de l’enseignement. Reportage.

Pauline Ades-Mevel, porte-parole de RSF, répond aux questions des jeunes

Alors que les bus scolaires arrivent progressivement à destination, la grande salle du château de Nogent-sur-Oise se remplit d’élèves. Certains déambulent et découvrent avec curiosité l’exposition installée par RSF sur les femmes reporters de guerre. D’autres restent aux côtés de leur professeur pour répéter la prise de parole qui les attend. Le stress est palpable. Et pour cause : ils s’apprêtent à interviewer des journalistes sur scène, face à plusieurs centaines de personnes. C’est l’aboutissement d’un travail mené en classe depuis plusieurs semaines.

La rencontre du journalisme

Le principe du Prix jeunesse de la Presse est simple : des journalistes se rendent à plusieurs reprises dans des établissements scolaires de l’Oise pour présenter aux élèves quelques articles de la presse nationale, parmi lesquels les jeunes éliront le papier qu’ils jugent le meilleur. La somme de tous les votes permet de désigner un journaliste lauréat, qui se voit remettre un prix lors de la cérémonie, animée par les élèves eux-mêmes.

Pauline Riglet et Clémence Leleu, deux des journalistes associées à la démarche, reviennent sur l’expérience. “On a vu chacune nos classes trois fois”, commence Clémence. “La première séance est une séance de présentation du journalisme et du Prix jeunesse de la Presse. Ensuite, on présente aux élèves les six articles pré-sélectionnés, on les lit ensemble et on lance des débats sur les thèmes de l’article”. Ce n’est que dans un dernier temps que les jeunes notent chaque article, à l’aide d’une grille de critères : “le choix du titre, l’intérêt de l’article, la qualité de l’écriture, et la pertinence des photos”.

Clémence Leleu et Pauline Riglet, deux journalistes investies dans le Prix jeunesse dela Presse

Pauline renchérit : “cette grille est importante. Les critères font réfléchir les élèves, les poussent à débattre. À la fin seulement, s’il y avait des égalités, je leur disais : c’est le coeur qui tranche, vote pour celui que te plaît le plus”.

Cette année, c’est l’article “Comment la fanfiction favorise la lecture et l’écriture chez les adolescents”, écrit par Mathilde Loire pour Télérama, qui a été retenu. Et c’est Zaïne, élève dans un collège de Chambly, qui l’annonce sur scène. Pour Clémence, le message transmis aux jeunes est fort : “là, ils sont dans un rôle de jury ! Pour une fois, ce sont eux qui mettent des notes. Ça leur montre qu’ils sont capables d’avoir une expertise, une capacité de jugement, une capacité à élaborer un propos pour défendre leur article”.

Zaïne, collégien, annonce la lauréate du Prix jeunesse de la Presse

Les professeurs participant au dispositif sont du même avis. D'après l'une d'entre eux, qui a accueilli Pauline à trois reprises dans sa classe de 3ème, il est indéniable que les élèves ont gagné en maturité grâce à ce cheminement. “Ça leur a permis de participer à l’oral, de se dégourdir un peu”, affirme-t-elle. “C’est quand même beaucoup d’argumentaire : pourquoi j’ai aimé, pourquoi j’ai pas aimé… C’était un travail collectif qui les a sortis de leur zone de confort”.

“Pour une fois, ce sont les élèves qui mettent des notes”

Pour sa consœur Élise Syssau, professeur-documentaliste qui fait de l’éducation aux médias depuis vingt ans, le Prix jeunesse de la Presse est surtout essentiel parce qu’il permet la rencontre des jeunes avec le journalisme. “On a beau travailler avec la presse, faire des cours, tout expliquer… rien ne vaut le contact avec des journalistes”, poursuit-elle, convaincue. De fait, les élèves semblent ravis de pouvoir poser toutes leurs questions à la lauréate sur scène. Qu’aimez-vous dans votre travail ? Choisissez-vous vous-même vos sujets ? Combien de temps avez-vous mis pour écrire l’article ? Est-il compliqué de trouver des sources fiables ?

Échange des élèves avec Mathilde Loire, lauréate du Prix jeunesse de la Presse

Face à Pauline Ades-Mevel, les interrogations dévient sur les conditions d’exercice du journalisme et l’état de la presse dans le monde. La liberté de la presse est-elle menacée en France ? Comment ne pas être manipulé par l’information et subir la désinformation ? Les réseaux sociaux sont-ils un danger pour la liberté de la presse ? Les deux journalistes répondent brièvement et avec pédagogie à toutes les questions.

Pour les jeunes, c’est un nouveau regard sur la profession et sur l’information qui se construit dans cet échange. “On a découvert le métier”, raconte l’un deux à l’issue de la cérémonie. Son camarade confirme : “ça a changé mon point de vue sur les journalistes”. Un troisième ajoute, hilare : “on a aussi appris qu’être sur une estrade, c’est stressant”.

Les élèves du collège Michelet posent avec Mathilde Loire, lauréate du Prix jeunesse de la Presse

Parler de l’information pour ce qu’elle est

La genèse du Prix jeunesse de la Presse remonte à 2018, dans un collège de Creil. Iqbal Razack, professeur de français, se souvient : “L’affaire du voile, dans un collège du centre-ville de Creil, a changé le rapport au journalisme. Il y avait une défiance des élèves vis-à-vis des journalistes, qui décrivaient uniquement Creil comme la ville du ghetto…”. Le professeur, natif de Creil, cherche alors un support pour que ses élèves changent de regard sur les médias. “On était inscrits dans les prix littéraires”, raconte-t-il. “Je me suis dit : et si on faisait la même chose avec la presse ?” Iqdal Razack se rapproche de la Ligue de l’enseignement, qui organise déjà à cette époque des résidences de journalistes dans les collèges. Vincent Coquaz, journaliste chez Libération, se porte volontaire pour la première édition. Le Prix jeunesse de la Presse est né.

Iqbal Razack, professeur de français au collège Michelet (Creil)

Ce dispositif s’inscrit dans la lignée des nombreuses actions d’éducation aux médias proposées par Image’IN, le pôle Éducation aux médias de la Ligue de l’enseignement de l’Oise. Un programme d’éducation populaire complet, qui dépasse le cadre proposé par l’Éducation Nationale. Olivier Magnin, responsable de l’association, explique : “en France, l’éducation aux médias a un ancrage dans l’éducation à la citoyenneté. Elle est nourrie du passé récent des attentats de 2015, et une majorité de ses contenus se concentre sur la question de la désinformation et du complotisme”.

S’il est effectivement “une nécessité démocratique” de s’attaquer à la désinformation, la Ligue de l’enseignement travaille l’éducation aux médias autour de trois axes plus généraux : “une pédagogie du journalisme, l’accompagnement à la production de contenus journalistiques, et le développement de l’esprit critique”. Un parti-pris en lequel Olivier croit profondément : “je ne vois pas comment transmettre une curiosité, un désir de compréhension du monde si l’on ne diversifie pas les approches. Il faut aussi travailler sur l’information pour ce qu’elle est, et pas uniquement pour ce qu’elle n’est pas”.

Olivier Magnin (à gauche) installant l’exposition RSF sur les femmes reporters de guerre

C’est précisément pour aiguiser le goût du journalisme que ce parcours propose aux élèves de se frotter à des articles de la presse nationale. Un travail qui a par exemple permis à Zoé, élève de quatrième au collège Jean Fernel de Clermont, de découvrir “le vocabulaire de la presse : le gros titre, le chapô, les intertitres…” Son camarade Diégo affirme qu’il aura maintenant plus le réflexe de s’informer, à la télé comme dans les journaux. Maïssa, de son côté, était contente de découvrir un article “qui parle de ce qu’on aime”, qu’elle n’aurait pas lu autrement. Elle conclut : “maintenant, si j’en trouve un qui me plaît, je pense que je le lirai”.

Un succès grandissant

En quelques années, le Prix jeunesse de la Presse a pris une toute autre envergure. Tous les ans, de nouvelles classes participent au dispositif, qui a désormais dépassé les frontières de Creil. “Les modalités de financement se sont diversifiées, et notre modèle d’intervention s’est structuré pédagogiquement au fil des éditions”, témoigne Olivier.

À titre d’exemple, le partenariat noué avec RSF pour cette édition ajoute une dimension nouvelle au Prix jeunesse de la Presse. “RSF est une ONG qui fait un travail majeur. Elle articule la question du journalisme à la question démocratique. Et c’est aussi ce qu’on fait à la Ligue de l’enseignement”, observe Olivier. “Sauf que nous sommes dans des galaxies complètement différentes”, précise-t-il. La première association fait du plaidoyer et de la médiation, tandis que la seconde agit dans la sphère éducative. Les discours des deux sont donc complémentaires, démontre Olivier : “RSF défend la liberté de la presse. Et nous transmettons aux jeunes le goût de l’information et l’idée que cette liberté doit être préservée”.

“RSF articule la question du journalisme à la question démocratique”

Pauline Ades-Mevel est du même avis. “C’est extrêmement important de sensibiliser les écoliers, les collégiens et les lycéens qui aujourd’hui, peuvent ne pas considérer la production d’information comme étant essentielle. Il faut leur rappeler ce qu’est la liberté de la presse”. Un travail éducatif que RSF n’a pas le temps de développer. “Des événements comme aujourd’hui permettent de remettre les pendules à l’heure”, se réjouit la porte-parole de l’ONG, qui a été impressionnée par la justesse des questions des élèves.

Les élèves découvrent l'exposition RSF sur les femmes reporters de guerre

L’avenir du Prix jeunesse de la Presse est prometteur. “Ça prend de l’ampleur chaque année”, note Olivier. Iqbal Razack, quant à lui, est fier de l’essaimage territorial qui s’annonce : “des pays européens veulent reproduire le projet, les ministères regardent avec beaucoup d’attention ce que nous faisons, nous allons le présenter aux assises du journalisme…”

Il ne nous reste donc qu’à conclure dans les termes d’Étienne Butzbach, vice-président de la Ligue de l’enseignement : “longue vie au Prix jeunesse de la Presse !”

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Image : Julien Borel / Journaliste : Apolline Tarbé

Publié le 26 avril 2023 à 16h10 - Durée : 9mn

Merci pour votre temps :

  • Olivier Magnin, directeur de Image’IN (pôle d’éducation aux médias de la Ligue de l’enseignement)
  • Pauline Riglet et Clémence Leleu, journalistes
  • Pauline Ades-Mevel, porte-parole de RSF

Entrer en contact :

Olivier Magnin : olivier.magnin@laligue60.fr