Grand Est

Un modèle d’association, le modélisme au service du handicap

Un modèle d’association, le modélisme au service du handicap

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Image : Antoine Feuer / Journaliste : Grégoire Osoha

Publié le 21 octobre à 8h00 - Durée : 6 mn

À quelques pas de la frontière franco-allemande, une association de modélisme télécommandé propose ses activités à tous les publics, y compris les personnes en situation de handicap.

Quand son fils s’est arrêté les yeux écarquillés devant une vitrine de modélisme à la fin des années 1990, Michel Lesniak ne s’imaginait pas que démarrait là une passion familiale longue de 25 ans. Tout avait commencé pourtant plutôt tranquillement. Après avoir acheté une voiture télécommandée à son aîné en lui faisant promettre qu’il travaillerait bien à l’école, Michel se rend compte que les pistes de course spécialisées sont assez éloignées de Béning-lès-Saint-Avold, le village d’un millier d’habitants où il est installé. Avec quelques proches, Michel crée donc une association, le Mini Model Club de Béning, et demande à la mairie s’il peut utiliser périodiquement la cour de l’école. Le maire accepte et les enfants du village sont conquis. La mayonnaise prend tellement que Michel, mineur de fond dans la région, se prend à rêver d’organiser les championnats de France en Moselle. Pari réussi au bout d’un an. L’édile local n’en revient pas d’entendre l’accent marseillais parmi ses ouailles.

Michel Lesniak à l'entrée du circuit du Gros Hêtre

L'empreinte minière

Mais le grand pari – et la grande réussite – du Mini Model Club de Béning, au début des années 2000, réside dans la construction du plus grand circuit de modélisme automobile de France. Le circuit du Gros Hêtre est appelé à voir le jour sur un terrain communal, octroyé sous la forme d’un bail emphytéotique de 99 ans. Au bout d’une route cabossée et au milieu de champs de culture, les membres de l’association commencent par défricher l’intégralité du terrain, puis à le cercler d’un grillage presque entièrement réalisé à partir de matériaux de récupération en provenance de la mine voisine. Au final, ils dessinent une piste de 324 mètres en développé et de 4 mètres de large. Le terrain est en légère pente pour que l’eau s’évacue rapidement en cas de fortes pluies. Des gradins sont montés. Ultime spécificité : l’intégralité de l’installation est accessible pour les personnes à mobilité réduite. « Pour tout dire, je ne sais pas trop ce qui m’est passé par la tête. La personne qui avait écrit les statuts de l’association était en fauteuil, mais elle m’avait averti qu’elle ne comptait pas venir au circuit. Encore une fois, je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ça m’est quand même apparu important que l’installation soit accessible au plus grand nombre » commente Michel.

Bien lui en a pris. Car au-delà des nombreuses courses (et même un mariage) organisées sur le circuit, la spécificité de l’association devient l’accueil de tous types de publics, dont certains souffrent de handicaps. Cette ouverture est l’un des éléments qui a le plus frappé William Gérard, délégué départemental de l’UFOLEP en Moselle, lorsque Michel a frappé à sa porte. À l’époque, le Mini Model Club se sentait à l’étroit dans la fédération à laquelle elle était affiliée et en cherchait une nouvelle qui soit plus en phase avec ses valeurs. La convivialité plus que la performance, l’absence de limite d’âge et l’aspect ludique au cœur de la pratique. Avec l’UFOLEP, l’association est bien tombée. « D’autant plus que nous n’avions pas encore de membre spécialisé dans le modélisme dans la région » précise Jean-Paul Roché, référent modélisme pour l’UFOLEP à l’échelon national.

Michel avec Jean-Paul et William, de l'UFOLEP

Modélisme et handicap

Il y a une quinzaine d’années, alors que Michel anime un événement autour du modélisme, une jeune enfant autiste s’approche des voitures. Sa mère lui interdit de les toucher mais Michel décide au contraire de l’initier. La séquence dure près de trois minutes, quand d’habitude, la petite fille n’arrive pas à se concentrer plus de quinze secondes d’affilée. La maman propose alors instantanément à Michel d’intervenir dans le cadre d’un centre spécialisé. C’est une combinaison gagnante. « J’ai tout de suite adoré le contact avec les enfants, raconte ainsi Michel. C’est parfois dur. Je peux par exemple rester une séance entière sans que nous n’arrivions à échanger une parole, mais en général, ça se passe très bien. Le plus important est qu’ils apprennent par eux-mêmes à fabriquer leur modèle avant de pouvoir les conduire. On prend le temps. Le but n’est pas d’aller le plus vite possible. Si on ne met qu’une vis pendant la séance, eh bien on ne met qu’une vis et c’est parfait comme ça. »

Au-delà du modélisme en tant que tel, c’est la qualité du lien entre l’enfant et l’intervenant qui nous intéresse.

Michel intervient également dans un Institut d’Éducation Motrice auprès de jeunes polyhandicapés. La pratique du modélisme leur fait travailler la motricité fine. En cette rentrée automnale de 2024, Michel retrouve ses deux « élèves » de l’an dernier : Rahyan et Selahaddin. Les sourires sont généreux. Tout le monde est ému par ces retrouvailles. « C’est magnifique de voir le lien que Michel a réussi à créer avec ces enfants » commente Jean-Paul de l’UFOLEP. Un sentiment que confirme Alisson, éducatrice de jeunes enfants : « Michel a toujours le sourire et il est très patient. D’habitude, quand Rahyan commence à se lasser d’une activité, il décroche très vite. Là, ce n’est pas du tout le cas. Il en redemande. Au-delà du modélisme en tant que tel, c’est la qualité du lien entre l’enfant et l’intervenant qui nous intéresse. Parce qu’il est fondamental dans la construction psychologique du jeune. » Pour Michel, après toutes ces années d’intervention, le plaisir reste intact. « Si vous m’aviez dit il y a quinze ans que je m’occuperai bénévolement d’enfants en situation de handicap deux fois par semaine, jamais je ne vous aurai cru. » Rappelons qu’avant cela, Michel n’avait jamais imaginé qu’il serait un jour mordu de modélisme. Comme quoi, la vie peut être faite de belles surprises.

Selahaddin et Michel

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6 mn
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Image : Antoine Feuer / Journaliste : Grégoire Osoha

Publié le 21 octobre à 8h00 - Durée : 6 mn

pour aller plus loin :

Plus d'informations sur le Mini Model Club de Béning

Un grand merci à Michel Lesniak pour son accueil ainsi qu'à l'équipe de l'UFOLEP Moselle.