Île-de-France

Carnaval de Saint-Ouen : le joli coup du Joli Mai

Carnaval de Saint-Ouen : le joli coup du Joli Mai

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Image : Antoine Escuras / Journaliste : Grégoire Osoha

Publié le 13 mai 2024 à 7h15 - Durée : 8 mn

A Saint-Ouen, une association toute en couleurs a redonné vie par un café aux quelques rues de son quartier. L’organisation d’un carnaval dans toute la ville leur permet désormais de toucher une population plus grande et plus diversifiée.

Alors que Gilles et Loïc relient un fémur à un tibia à coups devis cruciformes et d’un tube en caoutchouc, Pauline tartine de glu un collier cervical pour y déposer une belle tête bien ronde. Non, vous n’êtes pas dans le laboratoire des apprentis du Docteur Frankenstein mais dans la cour de récréation de l’école élémentaire Alexandre Bachelet à Saint-Ouen-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis. Il est 10 heures du matin le samedi 30 mars et une quinzaine de bénévoles s’activent pour donner vie à des « géants de parade ». Dans l’après-midi, Bernie, Favela ou encore Robotica sont attendus dans les rues de la ville pour participer au grand carnaval co-organisé entre la mairie et l’association Le Joli Mai. Une renaissance pour cet événement festif dont la dernière édition remonte à près de cinquante ans. Enfin, pas tout à fait. Car cela fait maintenant six ans que l’association Le Joli Mai a ressuscité le carnaval de Saint-Ouen. Dans un périmètre circonscrit certes mais un vrai carnaval en bonne et due forme avec défilé, musique, masques, confettis et sourires sur les visages des enfants et des grands. Mention spéciale à la toute première édition qui se déroule un samedi de la fin du mois de mars 2018 sous les flocons de neige.

Derniers préparatifs dans la cour de l'école Bachelet

Au Joli Mai, pas de brésilien nostalgique du carnaval de Rio mais une équipe de bénévoles bien décidée à donner de la chaleur et de la convivialité à leur quartier. Parmi eux figurent bon nombre de parents d’élèves de l’école Bachelet à l’origine de la création de l’association. C’était en 2015. Au cours d’une descente de police contre des trafiquants de drogue, des agents découvrent une grenade fumigène cachée dans un arbre à proximité de l’établissement scolaire. Pour les parents, c’en est trop. Il faut mettre fin aux risques encourus par leurs enfants et au climat de violence généralisé qui règne dans le quartier. Agir plutôt que subir. Oui mais comment ? Puisque les pouvoirs publics tardent à faire des propositions concrètes, le petit groupe de citoyens décide d’occuper un café laissé à l’abandon sur la place du 8 mai 1945. Durant les mois qui suivent, les bénévoles partent à la recherche de financements pour acheter le matériel nécessaire à la rénovation des locaux. Dans le même temps, ils réfléchissent aux activités à mettre en place une fois le café ouvert et à comment structurer l’organisation humaine et logistique. Ils se font accompagner pour cela par la Fédération des Oeuvres Laïques de Seine-Saint-Denis. Au bout de cette période, ne reste plus qu’à trouver un nom. Le café se trouve sur la place du 8 mai, une membre cinéphile de l’association évoque Le Joli Mai, un documentaire de Chris Marker qui évoque les craintes et les espoirs de chacun après la guerre d’Algérie. Va donc pour ce beau nom du Joli mai !

Le carnaval, tête de proue d'un grand nombre d'actions

Depuis son ouverture, le café associatif multiplie les actions. Il y a l’aide aux devoirs deux fois par semaine pour les enfants. Il y a l’aide administrative et l’initiation à l’informatique pour les adultes. Il y a la cuisine solidaire du Collectif Audonien Solidarité Migrants et du Collectif Koezion qui utilisent les installations du Joli Mai pour préparer plusieurs centaines de repas distribués ensuite lors de maraudes pour les personnes en situation de précarité. Et il y a tous les mois des événements festifs et variés : apéros, concerts, soirées jeux. Le meilleur résumé, c’est celui de Jeanne-Marie, membre du conseil d’administration, que l’on trouve sur le site Internet de l’association : « Le Joli Mai est comme une ruche, à la fois cuisine et atelier, magnifique terrain de rencontres, de jeux et de fêtes. » Sans oublier bien sûr qu’au café du Joli Mai, on peut simplement y entrer pour commander un café.

Le Joli Mai est comme une ruche, à la fois cuisine et atelier, magnifique terrain de rencontres, de jeux et de fêtes.
La façade du café Le Joli Mai

Le pari de recréer du lien social dans un quartier qui en manquait semble en bonne voie. L’équipe de bénévoles de l’association s’est consolidée et le café ne désemplit pas. Des habitués d’âges et de milieux sociaux différents se côtoient dans la bonne humeur. Ce succès, les membres fondateurs le doivent aussi à leur idée de faire exister le Joli Mai en dehors des locaux du café en allant au-devant des habitants. D’où l’idée du carnaval.Mais pas d’un défilé que les adhérents de l’association auraient préparé dans leur coin jusqu’au jour J. Non, un défilé qui impliquerait en amont les habitants et serait préparé par les enfants audoniens. Année après année, l’équipe du Joli Mai a donc pris l’habitude d’organiser des ateliers de fabrication de masques pendant les weekends et les vacances scolaires précédant l’événement. Et cette édition 2024 n’a pas dérogé à la règle. Voire même, l’a dépassée. Contacté par la mairie quelques mois auparavant pour imaginer un carnaval de plus grande ampleur, le Joli Mai a répondu à l’appel en mobilisant une vingtaine de structures partenaires (écoles, associations, centres d’animation). Dans chacune d’entre elles, des ateliers ont été organisés pour aider les enfants de toute la ville à construire leur propre masque, et même dans certains cas, leur propre géant.Pour en arriver donc à ce samedi 30 mars où, dans la cour de l’école Bachelet, scotch, gaffer, agrafeuses et perceuses passent de mains en mains pour finaliser les charriots du défilé et où la pression monte à mesure que le temps presse. Point d’orgue des préparatifs :le babyfoot historique du café Le Joli Mai est transformé en personnage avec une litière à chat en guise de visage et des chambres à air de vélo comme cheveux. Rassurons tout de suite tous les usagers du café, un nouveau babyfoot débarquera sous peu pour remplacer l’ancien devenu inutilisable avec les années.

Parade du carnaval dans les rues de Saint-Ouen

La pression, on la retrouve en tout début d’après-midi rue Emile Zola, au démarrage prévu de l’un des deux cortèges. Au-delà des travaux qui gênent la circulation des géants, il n’y a quasi personne dehors. Mais bientôt les batucadas et les enfants arrivent. La rue se remplit à tel point qu’il est maintenant difficile d’avancer. « On tenait à faire un départ depuis le quartier Arago qui est l’un des plus déshérité de la ville et c’est super de voir que ça prend » commente Pauline du Joli mai. Les passants allument leur téléphone pour filmer la parade. Plusieurs habitants se penchent à leur fenêtre pour ne rien rater du spectacle. Un groupe de quatre garagistes applaudit au passage des géants. Au bout de deux heures de déambulation, enfants, géants, groupes de musiques et de danseurs débarquent dans le square Marmottan où une scène a été dressée. Le moment n’est pourtant pas encore venu pour les bénévoles du Joli mai de s’abandonner complètement à la fête.A l’entrée du square, des tables ont été installées sous des barnums pour accueillir un atelier de maquillage et de décoration de masques. Dans le calme malgré l’atmosphère carnavalesque qui imprègne les lieux, les enfants font la queue pour compléter leurs déguisements. En retrait, un petit groupe d’habitants discute en admirant les géants créés par le Joli mai « Mais comment ont-ils fait pour construire tout ça ? Je pense qu’ils ont fait ça sur plusieurs années et qu’ils les stockent dans un hangar au fur et à mesure... » A leurs côtés, Jeanine est aux anges. Elle se rappelle les carnavals de son enfance à Saint-Ouen dans les années 1960. « C’est magnifique. Je retrouve ce même esprit de fête. Et en plus, ils n’ont pas oublié les confettis ! »

Arrêt au stand "maquillage" pour les enfants

Vers un carnaval 2025 encore plus grand ?

Le pari semble donc rempli aux yeux des dirigeantes associatives du Joli Mai. Au-delà de la fête, le carnaval est surtout un prétexte pour créer du lien entre les habitants de Saint-Ouen, à l’instar du café de la place du 8 mai. Les institutions publiques ne s’y sont pas trompées puisque le Joli Mai a reçu l’appellation « Espace de vie sociale » de la part de la CAF. Et depuis peu, le département de Seine-Saint-Denis a gratifié l’association du label « Tiers-lieu d’autonomie ». Pas question pour autant pour l’association de se reposer sur leurs lauriers et de nouvelles idées continuent d’affluer. Au programme des prochains mois : des après-midis jeux pour attirer les personnes âgées isolées, la végétalisation de la terrasse du café avec la classe Segpa du lycée voisin et bien sûr, la préparation d’un carnaval encore plus grand et participatif.

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Image : Antoine Escuras / Journaliste : Grégoire Osoha

Publié le 13 mai 2024 à 7h15 - Durée : 8 mn

pour aller plus loin :

Site internet de l'association Le Joli Mai : https://www.lejolimai.net/

Merci pour son aide à toute l'équipe du Joli mai !

Pour entrer en contact : contact@jolimai.fr