Auvergne-Rhône-Alpes

« Le cinéma a une dimension de partage »

« Le cinéma a une dimension de partage »

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Image : Agathe Roger / Journaliste : Apolline Tarbé

Publié le 14 avril 2022 à 17h25 - Durée : 5mn

Le Méliès est un cinéma associatif rattaché à la fédération 38 de la Ligue de l’enseignement (Isère). Situé au coeur du quartier grenoblois de la Caserne de Bonne, il est classé Art & Essai et labellisé Recherche et Découverte, Jeune Public, et Patrimoine et Répertoire. Dans les trois salles du Méliès, la salle multimédia ou encore le coin lecture du cinéma, l’équipe s’attèle à partager la culture cinématographique sous toutes ses formes. Rencontre avec Quentin, médiateur cinéma.

Quentin dans une des salles du cinéma Méliès

Bonjour Quentin et merci de nous rencontrer au Méliès. Peux-tu nous raconter ton parcours ?

J’ai commencé par une licence en lettres modernes, puis j’ai fait trois ans de master à l’Université Grenoble Alpes en création artistique et études cinématographiques. Il s’agissait de recherche sur le cinéma avec des rédactions de dossiers, de critiques de films, et surtout d’un mémoire. Après ça, j’ai voulu passer à la pratique. Alors je suis monté à Paris pour faire un stage dans le journalisme, puis j’ai intégré l’université Paris 8 en création et réalisation; un cursus au cours duquel il fallait réaliser un film sur deux ans. Ça comprenait le processus de création filmique de A à Z : écriture du scénario, repérage, constitution de l’équipe, casting, tournage, post-production...

J’ai fini mes études en 2021, et j’ai commencé à chercher du travail. La mission de l’éducation à l’image m’intéressait beaucoup. Au-delà de faire du cinéma, le but pour moi était de transmettre. Quand j’ai vu qu’un poste de médiateur se libérait au Méliès, et les missions qu’il impliquait, ça m’a tout de suite intéressé. J’ai postulé et j’y suis entré il y a 5 mois.

Connaissais-tu le Méliès avant d’y travailler ?

J’ai habité trois ans sur Grenoble, donc je connaissais par coeur le Méliès. J’y allais tout le temps pour voir des films, d’Art & Essai notamment. C’était ma première adresse de cinéma ! Je connaissais le lieu, son côté associatif, l’éducation à l’image qu’il proposait.

Peux-tu nous décrire ton rôle de médiateur ?

Ma mission, c’est de ramener le public 15-25 ans au cinéma. Ça concerne des personnes de la fin du collège/début du lycée, jusqu’au milieu du master. On constate que le confinement pu modifier la situation concernant la fréquentation des salles. Aujourd’hui, les plateformes sont très importantes dans le spectre cinématographique de ces jeunes. Beaucoup de Netflix, beaucoup d’Amazon, beaucoup de Disney, mais moins de salles de cinéma. Donc l’enjeu pour moi, c’est de leur faire découvrir le cinéma par la salle mais aussi par la pratique.

Je suis en contact régulier avec les lycées grenoblois qui sont en option cinéma (lycée du Grésivaudan, lycée Marie-Curie notamment), et avec l’Université Grenoble Alpes qui a un gros département dans l’art du spectacle, notamment en licence où il y a pas mal de parcours. C’est un réseau que je connais bien pour l’avoir côtoyé quand j’étais étudiant. On s’intéresse aussi aux MJC.

Atelier de médiation avec des élèves de maternelle

Nous accueillons également des classes scolaires, de la maternelle jusqu'au lycée, pour des séances le matin. Nous leur proposons une présentation de 5 minutes avant le début du film : dans quel contexte il a été tourné, par qui, comment, où, quand ? Nous parlons peu de l’histoire, en évoquant seulement le synopsis. Et nous leur donnons des clés de lecture, souvent par rapport à la mise en scène. Des pistes en termes d’images, de sons, de plans, de montage. Et en fin de présentation, nous leur donnons des ouvertures en les dirigeant vers d’autres cinéastes par exemple.

Il m’arrive aussi d’épauler les collègues à l’accueil du public ou à la médiation avec les maternelles... Il faut être multitâche !

Quel genre d’activités organises-tu pour diffuser la pratique du cinéma auprès du public 15-25 ans ?

Je propose plusieurs dispositifs, comme des ateliers pendant les vacances réservés aux 15-25 ans. Par exemple, pendant les vacances de Pâques, je propose un atelier sur trois jours où on va travailler sur le scénario, la réalisation et le montage, à savoir les 3 piliers de la production audiovisuelle. Pour l’écriture du scénario, il faut être créatif. Par exemple, je leur demande d’écrire autour d’un objet fétiche. Ils rapportent l’objet et racontent une histoire autour. Ça permet de prouver à quel point tout ce qui nous entoure est vecteur d’histoire. Sur la réalisation, on travaille les techniques de clapping, image, son, script, et acting bien sûr, puisqu’il faut bien quelqu’un devant la caméra. Et le montage, c’est ce qu’on appelle la post-production : le montage son, montage image, le mixage, peut-être un peu d’étalonnage, même si c’est plus compliqué à transmettre.

"tout ce qui nous entoure est vecteur d'histoire"

Cet atelier est un exemple parmi d’autres : je propose aussi des ateliers dédiés uniquement au scénario, à la réalisation ou au montage, ou bien sur le documentaire.

Comment mets-tu le cinéma au service de l’éducation populaire ?

Nos actions d’éducation à l’image s’adressent à tout le monde et invitent les jeunes à être acteurs de notre cinéma.

Nous proposons par exemple un dispositif appelé Ciné & Co, en partenariat avec le Réseau de la Médiation du Cinéma (RMC). Ce dispositif propose à des jeunes ambassadeurs de découvrir et de participer à la vie d’un établissement Art & Essai tel que le Méliès. Ici, nous avons décidé de rebaptiser ce groupe d’ambassadeurs les Sélénites en hommage à Georges Méliès, qui a été le premier à figurer des habitants de la Lune au grand écran. Les Sélénites peuvent par exemple voir des films en avant-première que nous allons programmer dans le futur. Ils en choisissent un qu’ils labellisent et présentent ensuite en salle, lors d’une soirée ouverte à tous - avec un tarif préférentiel pour les lycéens et étudiants. En rebond à cette séance, les Sélénites programment un nouveau film, de leur choix, en lien avec celui qu’ils ont labellisé. Ils s’occupent de communiquer autour de ces événements sur les réseaux sociaux, et au sein de leur établissement.

Quentin devant le cinéma Méliès

Ce dispositif est entièrement gratuit, c’est du volontariat. Les jeunes font ça pour le Méliès et pour eux. C’est un exemple d’action d’éducation populaire parmi d’autres. Nous avons aussi un partenariat avec Passeurs d’images, dispositif à destination des jeunes des territoires prioritaires. Nous, on essaie de déplacer la pratique du cinéma dans ces lieux de vie, et aussi de ramener ces publics vers la salle.

Pourquoi choisis-tu de travailler avec le public 15-25 ans ?

Les jeunes sont très intéressés par le cinéma. Ils sont très vifs, énergiques, ils ont une imagination débordante. Il faut réussir à les suivre, parce qu’ils ont 12 000 idées à la minute ! Il faut bien les encadrer, notamment lorsqu’on travaille sur les scénarios, parce que ça peut partir dans tous les sens. Donc je leur apprends à respecter les structures en actes. Ils sont aussi dans le partage. Même quand il y a seulement cinq personnes inscrites à l’atelier, on arrive à faire quelque chose de costaud. Il y a parfois des jeunes très différents, qui ne se connaissent pas, entre 15 et 25 ans. Et le dialogue est là.

“Ils sont très vifs, énergiques, ils ont une imagination débordante”

Et puis moi, je n’ai que 27 ans, donc je suis très proche des publics que j’accompagne sur leur culture, ce qui les alimente, ce qu’ils regardent tous les jours. Donc c’est vraiment cool ! J’ai hâte des ateliers prévus pour les prochaines vacances.

Qu’est-ce qui te plaît le plus dans la médiation ?

Dans mon éducation et à l’université, j’ai appris plein de choses sur le cinéma. Mon but aujourd’hui, c’est de tout partager. Pour moi, le cinéma a une dimension de partage. Quand on va dans une salle de cinéma, on est que des inconnus qui se rassemblent dans une salle. On ne se connaît pas et pourtant on partage les mêmes émotions, le même film, les mêmes images, les mêmes sons. Le cinéma, c’est une osmose. Faire en sorte que l’osmose arrive dans les salles et en dehors, c’est super. D’autant plus dans un cinéma Art & Essai : c’est pas comme si on travaillait dans un multiplexe où les films sont franchisés. Ici, il y a vraiment des propositions de mise en scène, des prises de position, une ouverture d’esprit. C’est ce que je ressens, et c’est ce que j’essaie de transmettre.

La Ligue sans filtre

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Image : Agathe Roger / Journaliste : Apolline Tarbé

Publié le 14 avril 2022 à 17h25 - Durée : 5mn

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Quentin, médiateur au cinéma Le Méliès

Entrer en contact :

mediation.melies@laligue38.org